PROTECTION PATRIMONIALE ET DECLARATION D'INSAISISSABILITE
PROTECTION PATRIMONIALE ET DECLARATION D'INSAISISSABILITE
En principe, l'entrepreneur individuel dispose d'un patrimoine unique pouvant comporter indistinctement ses biens professionnels et ses biens personnels. En cas de dette(s) impayée(s), les créanciers professionnels et personnels peuvent indifféremment faire saisir l'une ou l'autre de ces catégories de biens pour se faire payer. Pour pallier un tel inconvénient, la déclaration d'insaisissabilité a été instituée, à laquelle s'ajoute, plus récemment, le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).
Pour éviter à l'entrepreneur individuel de se voir saisir tout ou partie de ses biens immobiliers, les pouvoirs publics ont mis en place la déclaration d'insaisissabilité, limitée au seul patrimoine immobilier.
L'insaisissabilité, c’est le fait que les biens d'un entrepreneur individuel ne puissent pas faire l’objet d’une saisie immobilière en étant mis légalement à l'abri des poursuites de ses créanciers. Elle peut porter sur la résidence principale (ceci, en vertu de la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique) ainsi que sur tout autre bien foncier, bâti ou non (tel par exemple une maison secondaire, un appartement ou un terrain nu) pour autant qu'il ne soit pas affecté à un usage professionnel (c'est ici la loi du 4 août 2008 pour la modernisation de l’économie).
Quels sont les professionnels précisément concernés ?
Seuls les entrepreneurs individuels nouveaux ou existants et exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, pour autant qu'ils soient propriétaires de bien immobiliers (habitation, terrain, autres immeubles…), peuvent effectuer une déclaration d'insaisissabilité; et ce, quelle que soit leur activité et que leur entreprise soit déjà créée ou non. Les auto-entrepreneurs et les Entrepreneurs Individuels à Responsabilité Limitée sont également concernés.
Par contre, la déclaration d'insaisissabilité ne concerne pas les dirigeants de sociétés et aux associés d'une société.
Quelle est l’étendue de la protection spécifique ?
Le ou les biens immobiliers deviennent insaisissables uniquement à l’égard des créanciers professionnels de l’entrepreneur et pour les dettes professionnelles nées postérieurement à la publication de la déclaration. La déclaration ne joue donc que pour les dettes à venir.
Les créanciers professionnels dont la créance est née antérieurement et les créanciers personnels de l'entrepreneur conservent par conséquent le droit de saisir les biens immobiliers déclarés insaisissables.
En cas de divorce, la déclaration continue à produire ses effets si le déclarant est attributaire des biens concernés.
Quels sont les biens concernés par le régime de protection ?
Seuls les biens immobiliers sont visés, pouvant appartenir à l'entrepreneur, aux deux époux ou être indivis.
L'entrepreneur individuel peut protéger des poursuites de ses créanciers professionnels :
- son habitation principale, qu'elle soit en pleine propriété, en usufruit ou en nue-propriété,
- tout bien foncier bâti ou non bâti qu'il n'a pas affecté à son usage professionnel.
Il peut s'agir de biens immobiliers propres à l'entrepreneur, communs aux époux ou indivis.
A l'origine réservée à l'immeuble constituant la résidence principale, la déclaration d'insaisissabilité peut donc à présent concerner tout immeuble bâti ou non pour autant que l’entrepreneur ne l'ait pas affecté à son usage professionnel.
Le prix de vente de la résidence principale est également protégé à la double condition qu'il soit remployé à l'acquisition d'une nouvelle résidence principale dans l’année qui suit. Cependant, la protection étendue sur le prix de vente de la résidence principale n'est pas applicable au prix de vente des autres biens immobiliers.
Si le prix d'acquisition est supérieur, l'insaisissabilité ne valant qu'à hauteur des sommes remployées, une nouvelle déclaration d'insaisissabilité s'avère être nécessaire. A défaut, le créancier professionnel peut saisir la résidence principale, mais il devra alors restituer les sommes correspondant au remploi effectué.
Lorsque l'immeuble n'est pas utilisé intégralement à l’usage professionnel, la partie non affectée peut faire l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité sous réserve d'un état descriptif de division destiné à identifier les locaux affectés à usage professionnel excepté en cas de domiciliation d'une société ou de l'exploitant individuel, dans le local d'habitation.
Il est à souligner que les parts de Sociétés Civiles Immobilières sont exclues.
Plus largement, les sociétés, quelles qu'elles soient, civiles ou commerciales, sont exclues du bénéfice d'un tel dispositif de protection.
Que doit contenir la déclaration d'insaisissabilité ?
La déclaration d'insaisissabilité doit comporter :
- la description détaillée des biens;
- l'indication de leur caractère propre, commun ou indivis;
- l'état descriptif de division au cas où le bien est à usage mixte;
- l'attestation sur l'honneur indiquant que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l'exercice de son activité professionnelle, si l'entrepreneur est marié sous un régime de communauté légale ou conventionnelle.
Quelle est la durée de validité de la déclaration d’insaisissabilité ?
La déclaration d'insaisissabilité a en principe une durée illimitée, sauf qu'elle prend fin de fait en cas de décès de l'entrepreneur ou encore de son renoncement partiel ou total.
Quelles sont les conditions de mise en œuvre ?
La déclaration d’insaisissabilité doit être publiée au bureau des hypothèques ainsi que dans le registre de publicité légale à caractère professionnel dans lequel l’entrepreneur est immatriculé.
Ainsi, elle est opposable aux créanciers professionnels de l’entrepreneur pour toutes créances nées postérieurement à la publication de la déclaration au Service de la Publicité Foncière ainsi que dans les registres légaux tel par exemples : le Registre du Commerce et des Sociétés ou le Répertoire des Métier, Registre de la Batellerie Artisanale … ou à défaut à compter de l'insertion dans un Journal d'Annonces Légales du département dans lequel est exercée l'activité lorsque la personne n'est pas tenue de s'immatriculer à un registre de publicité professionnel.
A dater du 1er juillet 2014, la déclaration d’insaisissabilité de la résidence de l’entrepreneur perd tout effet si elle n’a pas été faite avant la cessation des paiements de l’entreprise. Ainsi, à compter du 1er juillet 2014, la déclaration d’insaisissabilité effectuée tandis que l’entrepreneur est en cessation des paiements encourt automatiquement la nullité de plein droit. De plus, les déclarations d'insaisissabilité effectuées dans les 6 mois précédant la date de cessation des paiements, pourront faire l'objet d'une action en annulation facultative exercée par l'administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire l'exécution du plan ou le ministère public. Concrètement, il ne sera plus possible de rendre ses biens immobiliers insaisissables quelques jours seulement avant de faire l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Quelles sont les limites et réels contours de la protection ?
Les créanciers dont les droits sont nés après le dépôt de la déclaration ne peuvent pas saisir les biens se trouvant dans la déclaration d'insaisissabilité, excepté :
- si l'entrepreneur y renonce, la renonciation peut porter sur une partie ou bien l'intégralité des biens inscrits. En effet, la déclaration d'insaisissabilité étant susceptible de limiter les possibilités d'emprunt du professionnel, l’entrepreneur peut être conduit à renoncer, partiellement ou totalement, à la déclaration d'insaisissabilité à la demande d'un ou plusieurs créanciers.
- si l'entrepreneur déclarant décède, la déclaration d'insaisissabilité est révoquée et ne peut donc plus produire d'effet. Sauf que la déclaration demeure opposable aux créances qui sont nées avant le décès. L'héritier qui poursuit l'activité doit quant à lui faire une déclaration d'insaisissabilité à son nom.
En cas de vente de l'habitation principale, si elle est mentionnée dans la déclaration, les créanciers ne peuvent pas saisir le prix de vente à la condition que les sommes obtenues sont réemployées dans un délai d'un an pour l'achat d'une nouvelle résidence principale. Pour cela, l'acte de vente doit contenir une déclaration de remploi des fonds établie selon les mêmes formalités de publicité que la déclaration initiale d'insaisissabilité. Ainsi, ’insaisissabilité se poursuit sur le prix de vente. Le nouveau bien devient à son tour insaisissable à concurrence de la somme provenant de la vente du précédent.
En certaines circonstances, la protection du patrimoine personnel se révèle chimérique dans la mesure où certains créanciers, comme notamment les banques, exigent l’engagement personnel du dirigeant sur ses biens propres.
En cas de procédure judiciaire assortie d'une faute de gestion, les tribunaux peuvent déclarer les dirigeants personnellement responsables, d’où l’intérêt d’adopter le régime de la séparations de biens.
La loi n° 2013-1117 du 6 Décembre 2013 prévoit que l'administration fiscale détient le droit de saisir les biens immobiliers de l'entrepreneur même s'ils ont été déclarés insaisissables, lorsque ce dernier s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales. Cette loi est entrée en vigueur à compter du 8 Décembre 2013.
Quelles sont les formalités à accomplir ?
La déclaration d'insaisissabilité doit être obligatoirement être établie par notaire à peine de nullité.
Quels sont les frais générés par une déclaration d'insaisissabilité ?
La formalité engendre des coûts de rédaction et d'enregistrement de l'acte qui sont variables selon la composition de l'immeuble. La procédure est peu coûteuse. Des frais fixes vont être facturés par le notaire :
- les frais d'établissement de l'acte par le notaire
- les frais liés à l'accomplissement par le notaire de formalités préalables ou postérieures à l'acte (demande de cadastres, extraits d'acte, attestations, états hypothécaires, copies d'actes) auxquels il faut ajouter le coût de publication ;
- les éventuels frais consécutifs à l'établissement d'un état descriptif de division et auxquels peuvent s'ajouter les frais liés à l'accomplissement de formalités préalables ou postérieures à l'acte.
- A cela, peuvent s'ajouter des honoraires de consultations dus au titre du conseil.
EN CONCLUSION :
En rendant de la sorte leurs biens immobiliers insaisissables, les entrepreneurs individuels peuvent protéger leur patrimoine pour que leurs difficultés professionnelles ne viennent à atteindre leur situation personnelle.
Il est enfin à considérer que depuis le 1er janvier 2011, la loi permet de distinguer le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de chaque entrepreneur; de sorte que celui-ci reste propriétaire de l’ensemble de ses biens. Il se retrouve ainsi protégé car seul son patrimoine professionnel affecté à l’activité de son entreprise constitue la garantie de ses créanciers professionnels.
° 0 °